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Parler d'autre chose! (Glissement de cadre)
Une méthode très importante, c'est le "glissement de cadre" : pour parler d'une chose, en évoquer une autre, ou l'évoquer de façon "décalée"...
- Ce sont les anecdotes, histoires et métaphores que l'on raconte aux enfants et aux plus "grands": Je te raconte une histoire H1 (plus ou moins imaginaire), qui est supposée te servir à interpréter/comprendre une autre histoire H2.
L' histoire H1 peut se baser sur des approches très diverses, depuis le rêve ou l'imagination du conte (l'ogre pour se méfier de l'étranger), à la rationalité de la science (le résultat d'expérience comme base, pour ensuite généraliser à la société par exemple). Les religions/sectes sont aussi friandes de cette technique.
- C'est l'analogie, qui est généralement plus explicite dans le glissement: "faire l'action A, c'est comme si on faisait l'action B..." Exemple avec Lao Tseu: Gouverner un pays c'est comme cuire un petit poisson. On veut faire passer à travers l'analogie une information qui n'est pas fournie explicitement. Ici, on pourrait dire que "gouverner un pays est quelque chose qui demande de la délicatesse, de la précision, de l'observation, etc." Il s'agit là d'une variante de l'information manquante (voir dans les techniques).
- C'est la reformulation. Lorsqu'on vous dit une chose, reformulez-la en fonction de votre propre objectif. Un exemple-type: dans un journal télévisé où, par accident, vous recevez un syndicaliste qui par exemple justifie des actions "violentes" par la défense des salariés, reformulez en qualifiant ces actions comme une menace à la sécurité, ou à la mise en danger de l'entreprise. Les mêmes faits, mais "recadrés" avec une nouvelle signification.
- C'est la comparaison. Pour justifier/dénigrer un point de vue, usez de la comparaison. "Vous voulez faire ceci, mais on sait que ça ne marche pas en Union Soviétique". "Ceci se fait en Allemagne, et ça marche très bien". "Napoléon a conquis l'Europe, et toi, t'es pas capable de gagner la mairie." (Vu aussi dans la catégorie Causes et effets, associations d'idées)
- C'est le changement de niveau. Exemple: Si un militaire tue un homme, il fait "son devoir". "tuer un homme" est un niveau basique. "Faire son devoir" est plus abstrait, plus général. Il fait aussi "son devoir" en se mettant au garde-à-vous quand passe un supérieur. C'est proche de la technique de généralisation (voir aussi les autres techniques)
- C'est, dans une certaine mesure, ce qu'on pourrait appeler la réification: Transformer une idée, un concept, une convention en chose, en objet. Deux exemples. En économie, le célèbre TINA de Margaret Thatcher. 'There is no alternative", il n'y a pas d'alternative, seul le Marché peut et doit régler la vie de la société. Or ce "Marché" relève d'une convention sociale. Prétendre qu'il n'y a pas d'autre possibilité fait glisser le cadre depuis une convention (susceptible d'être discutée) vers le fait absolu (impossible à remettre en question).
L'autre exemple: j'entendais dans un reportage sur la bande de Gaza une "journaliste" expliquer qu'au point de passage pour entrer dans la zone occupée, on ne pouvait faire passer que de la nourriture (je simplifie et je paraphrase, mais c'était bien le fond). Pour exprimer plus précisément la situation, elle aurait à mon avis du utiliser un autre expression, comme par exemple: "l'armée israélienne interdit aux palestiniens de faire entrer par ce point de passage autre chose que de la nourriture." Ce glissement de cadre - cette réification (ben oui, on peut pas, c'est comme ça!) permet, comme c'est pratique, d'esquiver les questions politiques.
Dans un grand nombre des techniques de persuasion, un glissement de cadre s'opère...
Remarquons que le cerveau doit faire un effort (plus ou moins important) pour détecter le lien de corrélation, généralement non fourni, entre deux "Histoires," et ce lien peut être parfois très difficile à trouver: il faut que les deux "Histoires" - ainsi que ce qui les sous-tend - soient connus de l'auditoire pour que ce glissement soit "efficace", c'est-à-dire compris... à moins bien entendu que l'objectif ne soit de "noyer la cible" dans du verbiage destiné à l'endormir...
Remarquons aussi que bon nombre de nos conversations de tous les jours comportent un peu de glissement de cadre. Evoquant la météo, par exemple, nous faisons parfois référence, plus ou moins consciemment, à notre propre météo intérieure. Beau et mauvais temps sont souvent états d'esprit.
Voir aussi l'approche par les Causes et effets et associations d'idées.
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